Retour sur la 45e session d’étude
Retour sur la 45e session d’étude
Par : Pierre Dorval, ing.
Après 2 ans d’absence en présentiel, les sessions d’étude sur les techniques de sautage étaient enfin de retour à l’Université Laval. Organisées par le département de génie des mines, de la métallurgie et des matériaux de l’Université Laval et de la Société d’Énergie Explosive du Québec, en collaboration avec la Direction de la géotechnique et de la géologie de Transports Québec, ce sont plus de 200 participants qui se sont réunis les 17 et 18 novembre dernier pour la 45e session d’étude lors de laquelle 14 conférences ont été présentées.
Martin Grenon de l’Université Laval et Francis Trépanier, président de la SEEQ ont ouvert cette 45e session d’étude en souhaitant la bienvenue aux participants de cet événement et ont tenu à souligner le travail de Pierre-Luc Deschênes pour l’organisation de cet événement, lequel malheureusement n’était pas en mesure de présider la session comme à l’habitude.
M. Thierry Bernard (Thierry Bernard Technologie) a brisé la glace à titre de premier conférencier de cette 45e session en nous présentant sa conférence intitulée « L’utilisation d’un jumeau numérique de tir pour contribuer à l’exploitation durable des mines et carrières ». Après nous avoir expliqué en quoi consistait un jumeau numérique et son utilisation dans le cadre de l’exploitation des mines et carrières, un exemple d’application dans une mine au Brésil, suite à la rupture d’un barrage, a permis à l’entreprise de reprendre le minage à proximité des barrages grâce à l’utilisation d’un jumeau numérique pour simuler les vibrations sur les cavités naturelles et le barrage. De plus, l’entreprise dispose maintenant d’un outil pour la création de modèles préventifs pour contrôler les vibrations induites dans les barrages et autres structures.
François Simand (LIM Technology Inc.) a poursuivi avec sa conférence sur «Comment utiliser les paramètres de forage pour améliorer le forage et le sautage ». LIM est une entreprise française qui utilise la technologie de navigation haute précision (NaviLIM) pour enregistrer les paramètres de forages qui sont transférés automatiquement et compatibles avec n’importe quel logiciel de sautage, permettant même la possibilité d’ajouter la lithologie. On peut également utiliser les paramètres machines (Drill@LIM) pour gérer un parc de 18 machines différentes avec les données toujours transmises en temps réel.
Par la suite, Éric Laprise et William Lavoie (Dynamitage TCG) nous ont présenté les travaux réalisés pour « l’Excavation du bouchon de canal de fuite de la centrale Romaine-4 ». Ce projet a nécessité l’excavation du canal de fuite et du bouchon de roc en plusieurs phases. Une partie des travaux de forage et sautage ont été réalisés « en eau » à partir d’un remblai de pierres dynamitées où on a installé des tubages d’acier au roc afin de réaliser le forage pour le sautage avec le marteau fond de trou à l’aide d’une foreuse à double rotation Foremost DR-12. Pour le forage « à sec », ils ont utilisé des foreuses conventionnelles de type « top hammer » Atlas Copco D-7. Des détonateurs électroniques, le double amorçage des trous, des amorces moulées contre les risques de « dead press », l’installation d’un système de rideau de bulles d’air et autres méthodes de protection et de mesures ont contribués aux succès de ce projet.
Au retour de la pause, Jamie Waine et Vincent Gamache (Orica) ont partagé leur expérience avec « L’application WebGens à la mine Nickel Rim ». Le système WebGens inclut des amorces qui sont initiées par une commande de mise à feu sans fil transmise au travers la roche, l’eau et l’air par le biais d’une onde d’induction magnétique. L’introduction de WenGen a été proposé à la mine Nickel Rim South au nord-est de Sudbury en 2020 pour augmenter la récupération, réduire l’exposition des travailleurs dans certaines zones et d’augmenter l’efficacité opérationnelle. La présentation démontre les avantages de cette application en comparant les résultats obtenus avec l’utilisation du WebGen et ceux des méthodes traditionnelles de chantiers ascendants, descendants et de double lift.
La session s’est poursuivie avec la conférence « Bénéfices de l’énergie différentielle ΔE – étude de cas pour une mine d’or » présentée par Paul Kuznik et Daniel Gros-Jean (DynoConsult – Dyno Nobel). La technologie appliquée consiste à utiliser l’émulsion Titan SME (Site Mixed Emulsion) avec capacité ΔE, c’est-à -dire qu’elle permet la variation de la densité avec une gazéification chimique permettant une conception de chargement optimisée envoyée électroniquement dans les camions de livraison. Pour le suivi des résultats, on a comparé le taux de chargement, le patron de forage, le marinage, la fragmentation, et le coût à la tonne. En résumé, on a observé, une diminution du coût des produits explosifs de l’ordre de 2%, une augmentation des patrons de forage de 4 à 5 % qui résulte en une réduction du coût de forage de 5 à 11%, une réduction de la fragmentation de 12 à 18% pour le P-80 et de 36 à 42% pour le P-50 ainsi qu’une réduction de temps de marinage jusqu’à 25%.
Agata Loboda (BBA) a complété cette première demi-journée de conférence avec sa présentation intitulée « Dynamitage de pilier de niveau – sans accès direct de la surface ». Le projet se déroule à la mine Detour Lake, propriété de Agnico Eagle. Comme il s’agit d’une ancienne mine souterraine, on devait chercher à obtenir un plan complet des vides avant de pouvoir développer des bancs. Des investigations par forage ont été requises pour évaluer les vides et des normes de sécurité appliquées pour les zones restreintes. Afin de maintenir la stabilité du sol des patrons de forage dont la taille et la forme ont été conçues de manière à assurer la sécurité des travailleurs après un effondrement partiel. Le chargement des trous a été réalisé en collaboration avec le fournisseur d’explosif en suivant un ordre établi et en utilisant du double et du triple amorçage pour assurer la détonation des trous. Le sautage des vides réalisé, on a pu procéder au dynamitage du pilier de niveau tout en continuant à éliminer les risques avec l’utilisation d’excavatrice à longue portée ou d’équipement permettant d’amener le dynamiteur en toute sécurité dans la zone interdite.
Pour le repas du midi, les participants ont été invités à se rendre au Grand Salon du Pavillon Desjardins .
Pour la reprise des activités, Serge Ouellette et Tony Damico (Epiroc) nous ont présenté les avantages d’utiliser un simulateur avec la conférence « Epiroc : Technologie, Simulateur et Formation ». Concepteur et fabricant de simulateur de foreuse, les avantages d’utiliser un simulateur va de la formation dans un environnement sécuritaire à l’absence de consommation de carburant tout en n’interférant pas dans la production, sans oublier la disponibilité du simulateur 24/24, 7 jours sur 7. Le simulateur peut être fidèle à la réalité d’une cabine avec une plateforme mobile qui donne le sentiment d’une conduite réelle, ou encore, un simulateur de format classe qui consiste plus simplement à une cabine réduite au fauteuil avec les bras de commande et des écrans qui peuvent être plus facilement installer et déplacer. Le simulateur intègre tous les scénarios possibles. Un système de gestion et de formation permet à l’instructeur de définir les exercices de simulation et les superviser en temps réel. Epiroc a établi des partenariats avec CFP Cadillac e Canadian Malartic ainsi qu’avec le CFP Baie-James.
Isabelle Théorêt (CFP Baie-James) a poursuivi avec la conférence, préparé en collaboration avec Gilles Laroche, « La mise à jour du DEP en forage-dynamitage et l’intégration des nouvelles technologies dans la formation professionnelle ». L’analyse de la profession dans le secteur de la construction et au niveau du secteur des mines et carrière a fait ressortir des besoins de : plus d’heures de pratique sur les foreuses; plus de foreuses hydrauliques à télécommande; moins de foreuses pneumatiques; plus de sautages avec différents types de détonateurs; plus de diversité avec les produits explosifs; et plus de sautages contrôlés. C’est ainsi que le nouveau programme, toujours de 900 heures, a été remanié de façon à augmenter les heures de formations pour les compétences particulières, les compétences en forage ainsi que les compétences en dynamitage afin de répondre aux besoins de l’industrie. Mme Théorêt a profité de cette tribune pour faire appel à des partenaires pour un projet-pilote pour soutenir les besoins de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction.
Après la pause-santé, nous avons eu droit à la « Présentation du bureau de contrôle des armes à feu et des explosifs de la Sûreté du Québec ». Accompagné du sergent coordonnateur provincial, Philippe-Bruno Lavoie, des agents-répondants Denis Girard, Martin Dufour et Jean-Luc Gagné, le lieutenant Mathieu Girard, responsable de division nous a rappelé l’historique de la loi sur les explosifs qui remonte à 1970, adoptée dans le contexte de la crise d’octobre. Un règlement d’application de la loi sur les explosifs a vu le jour en 1981, et des modifications à la loi E-22 et au règlement ont été apportées en 1997 dans le contexte de la guerre des motards. En 2008, suite à un important vol d’explosifs en Gaspésie, 
l’opération OPS Détonateurs, toujours en vigueur, exige l’inspection annuelle de tous les sites d’explosifs de la province. On nous rappelle toutes les lois et règlements sur les explosifs en vigueur au Québec dont, entre autres, l’article 79 du code criminel qui mentionne l’obligation de prendre les précautions à l’égard des explosifs pour que cette substance ne cause ni blessures corporelles, ni dommages à la propriété, ni la mort de personnes. On poursuit avec le rôle de la Sûreté du Québec et du BCAFE, les divers intervenants à la SQ, les partenaires, et le rôle et responsabilités de l’industrie. Depuis le 1 avril 2022, le site internet de la SQ ne propose plus les demandes de permis généraux de particulier et d’entreprise en version papier, la seule méthode offerte est en ligne. L’année 2023 correspondant à une année de renouvellement massif des permis généraux d’entreprise, on vous recommande de ne pas attendre à la dernière minute pour effectuer votre demande de renouvellement.
C’est sur cette note qu’a pris fin la première journée de conférence, mais avant de laisser filer les participants, le comité organisateur a invité messieurs Eric Simon et Harold Blackburn pour la présentation des lauréats du prix de la relève et du trophée Mario Coderre soulignant le travail d’un foreur boutefeu de la relève et de celui d’un foreur-boutefeu de carrière. Ainsi le prix de la relève boutefeu 2022, accompagné d’une bourse SEEQ de 300$ ont été octroyés à M. Pierre-Olivier Coudé, d’Inter-Cité Construction alors que c’est M. Jocelyn Paré de Dynamitage Castonguay Ltée qui s’est mérité le trophée Mario Coderre, accompagné de la bourse Wilfrid Comeau au montant de 500$.
S’en est suivi la 41e Assemblée générale des membres de la SEEQ avant de tous se retrouver pour le cocktail annuel de la SEEQ pour fraterniser autour d’une consommation et de petites bouchées.
Le lendemain, Richard Reid (Groupe ABS) a démarré la matinée avec sa conférence « Les vibrations! Rien de sorcier ». Ce dernier nous a rappelé les grands principes entourant l’étude et l’analyse des vibrations en passant par un rappel des définitions et des différences entre déplacement, vitesse et accélération ainsi que de la propagation des ondes. L’atténuation des ondes, leur addition ou leur soustraction expliquent qu’on peut minimiser les intensités en optimisant le déphasage entre deux détonations d’où l’introduction des microretards dans les sautages et l’avantage indéniable des détonateurs électroniques compte tenu de la précision de leur détonation. L’établissement des facteurs K et n permet de caractériser la transmission des vibrations à un site particulier, et l’utilisation de techniques de découpage de manière à générer une zone de cisaillement, un vide, etc., peut contribuer à atténuer les vibrations de 20 à 65% dépendant de la technique employée. En dernier lieu M. Reid a conclu avec un plaidoyer pour des critères de vibrations mieux adaptés aux conditions spécifiques des chantiers.
Dans la même veine, Rémi Proulx (Orica) nous a présenté « Analyse et modélisation de l’atténuation des vibrations due au prédécoupage » écrit en collaboration avec Norm Patterson et Ruilin Yan également de chez Orica. Les objectifs de ce projet consistaient à mesurer l’efficacité du prédécoupage pour atténuer les vibrations au pied des murs de l’exploitation afin d’en assurer la stabilité, et de mettre au point une méthode de modélisation pour permettre d’évaluer des scénarios de sautage. La technique de trous signatures en champ proche a été utilisée pour paramétrer et calibrer le modèle de vibration qui servira de base à la comparaison de différents scénarios de conception. L’analyse des vibrations a été réalisés avant et après le prédécoupage pour évaluer l’effet de filtre que procure le prédécoupage. Au niveau du minerai, la réduction mesurée est de l’ordre de 51% et de 49% dans la roche stérile. Le recours à la technique de prédécoupage permet donc d’obtenir un effet de filtrage important et de réduire de 50% les vibrations sur la paroi ou le mur final. Le tir du prédécoupage ne produit pas de niveaux de vibration supérieurs au seuil de VMPc, soit la vitesse critique maximale des particules pouvant affecter le minerai ou le stérile sur la paroi ou le mur final. La modélisation du scénario dans le minerai a mis en évidence l’importance de l’allègement du fardeau dans la conception du sautage qui peut réduire significativement les vibrations du sautage en particulier pour les petites distances scalaires.
Après la pause-santé, Marie-Hélène Fillion (Université Laurentienne et Transports Québec) a présenté les travaux de son étudiant au Doctorat Omid Karimi sur « l’Évaluation de la zone de dommages causés par le sautage d’un banc avec la méthode combinée d’éléments finis/discrets (FDEM) ». Dans une mine à ciel ouvert, le niveau de dommage causé par le sautage peut réduire le niveau de stabilité des pentes excavées dans le roc, ce qui est préoccupant au niveau de la sécurité. Le dommage à la paroi rocheuse est la fracturation additionnelle au-delà de la zone de fragmentation ciblée et ceci peut causer des ruptures de pente, du dommage à l’équipement, une perte de production et des blessures au personnel (Silva et al., 2009). La fracturation du roc est causée par la coalescence des fractures existantes et de celles développées dans le massif rocheux. La présence de joints in-situ peut donc avoir un impact sur l’étendue de la zone de dommages causés par le sautage du roc. Par conséquent, l’analyse numérique du niveau de dommage induit par le sautage du roc nécessite une simulation réaliste des processus de fracturation et de fragmentation du roc, gouvernés par les propriétés in-situ du roc et des discontinuités (joints). La méthode combinée d’éléments finis/discrets (FDEM) présente un outil d’analyse permettant de simuler le sautage du roc (An et al., 2017). La méthode d’éléments finis (FEM) est utilisée pour calculer les distributions de contraintes et les déplacements dans le roc avant la fracturation (phase statique) et, lorsque le processus de fracturation commence, la méthode d’éléments discrets (DEM) est utilisée pour le massif rocheux fracturé (phase de grands déplacements) (Zhang, 2016).
Jonathan D. Aubertin (ETS – U. du Québec) a poursuivi avec sa conférence intitulée « Indice de performance basé sur les tirs individuels ». À l’origine, la méthode a été développé suite à des tests dans le sel et la potasse. Il s’agit de réaliser des séries de tirs individuels conforme au chargement prévu et d’analyser la relation entre la taille du cratère et le fardeau. Par la suite on peut effectuer une analyse paramétrique des performances en fonction du diamètre de trou, de la charge spécifique par rapport au fardeau, et de visualiser l’importance et l’impact de chaque trou. Les prochaines étapes : poursuivre les recherches sur le terrain afin de pouvoir développer des méthodes d’analyse numérique et analytique. En conclusion cette approche permet l’optimisation des sautages normalement itératif et coûteux; de développer un index basé sur les tirs individuels pour caractériser le site et la géologie; une modélisation du cratère en fonction du fardeau; une projection et une optimisation du positionnement des trous; et une opportunité de comparer la performance du type d’explosif, du diamètre des trous, etc…
Finalement, Benoît McFadyen (U. Laval) a complété le programme de cette 45e session d’étude en présentant ces travaux sur « l’Intégration des données opérationnelles dans la prédiction de la performance des chantiers » en collaboration avec Martin Grenon (U. Laval) et Yves Potvin (u. Western Australia). L’objectif principal est de développer une nouvelle méthodologie pour comprendre et prédire la performance du chantier, les sous objectifs étant d’incorporer des paramètre opérationnels, géométriques, géologiques et géomécaniques qui peuvent influencer le sur-bris et le sous-bris; de développer un nouvel outil pour prédire le sur-bris et le sous-bris de la base de données et construire un outil interactif pour la conception du chantier; et finalement inclure des analyses économiques dans le procédé de conception. Autour de 800 chantiers ont été analysés pour le développement de la méthode. L’analyse et les paramètres par octree ont été testés à 9 sites miniers au Canada et en Australie et l’application est actuellement utilisé par une dizaine de sites. L’approche prédictive est actuellement développée et testée à 6 sites miniers. Le modèle permet une meilleure compréhension des bris hors-profil et prédiction de la performance, améliore la conception, améliore la planification du processus de minage du tir au remplissage, et maximise la viabilité économique des projets miniers.
C’est sur cette note qu’a pris fin la 45e session d’étude sur les techniques de sautage. Après les remerciements d’usages aux conférenciers et au personnel impliqué dans l’organisation pour la réussite de cet événement, Francis Trépanier, au nom du comité organisateur, a invité les participants, d’une part, à nous suggérer des sujets de conférences pour l’an prochain et à retenir les dates du 16 et 17 novembre 2023 pour une 46e session d’étude sur les techniques de sautage.
Si vous êtes intéressé à participer en tant que conférencier, n’hésitez pas à communiquer avec :
Pierre-Luc Deschênes: pierre-luc.deschenes@transports.gouv.qc.ca ou encore Martin Grenon: martin.grenon@gmn.ulaval.ca
En terminant,
